Un dealer de Perpignan a réalisé un clip vantant sa réussite, mais ça n’a pas plu aux autorités, qui l’ont pris au premier degré : le chanteur a été interpellé. Un sociologue gauchiste aurait hurlé à la répression abjecte d’un État raciste à l’encontre d’un entrepreneur dynamique qui cherche à surpasser son handicap social. Un économiste libéral aurait demandé si la France disposait de tellement d’emplois pour se permettre d’en détruire encore.
Analyse d’un clip radical déterminé par le Système
Ils font peur aux riches agricultrices de l’Auxerrois et font trembler les jeunes filles de la rue Mozart à Paris. Ils parlent une langue inconnue et de ce fait, on comprend mal leur message : cherchent-ils à vendre plus de marchandise ? Se faire produire par Universal Music ? Changer leurs euros en dinars ? Ce n’est pas clair. On leur propose de reprendre tout à zéro, de mettre des costumes, de poser leurs cigarettes dans des cendriers prévus à cet effet, de calmer leurs motocyclettes pétaradantes et de s’adresser au public dans un français plus correct.
Le rap des dealers : que font les dentistes ?
Pas étonnant que quand les plus radicalisés ou les plus « antifrancisés » de ces jeunes partent en Syrie, c’est pour cirer les rangers des combattants aguerris d’Al-Nusra ou d’Al-Qaïda, ou finir sous les bombes des Sukhoï russes. La plupart des 44 000 islamistes morts viennent de l’extérieur. Blousés par une propagande qui leur montre piscine et ciel bleu, ennemis en fuite et chiens d’infidèles à terre. La réalité est tout autre : les cadres étrangers ont fait leurs bagages, ceux qui ont cru au baratin de l’agence de voyage se retrouvent encerclés, sans plan de sortie, coincés dans les villes, que la coalition russo-syrienne bombarde.
L’armée pro-Assad a perdu 97 000 combattants en cinq ans de guerre, et les rebelles djihadistes ou non-djihadistes au moins autant. Au fond, ce conflit, on le sait, arrange Israël et les pétromonarchies, qui ont le même objectif : affaiblir les régimes arabes laïcs, et envoyer mourir sur le front les frères musulmans et tous leurs cousins possibles, qui n’iront pas déranger les régimes pourris du Golfe. Pas la peine d’aller chercher plus loin l’explication de la facilité avec laquelle tous ces jeunes combattants ont pu sortir de leurs pays respectifs. Ils pensaient mourir pour le djihad ; ils crèvent pour la coalition américano-saoudo-sioniste, qui remodèle le Moyen-Orient à son avantage. Des musulmans enragés envoyés contre des musulmans civilisés, c’est tout bénef pour l’oligarchie.
En France, les foyers de départ vers cette mission mortelle ne manquent pas : ce sont les quartiers dits ultracommunautarisés, les « 100 Molenbeek français », selon l’expression du ministre de la Ville (qui inclut donc les cités) Patrick Kanner. Des réserves de truands et de djihadistes, des fabriques d’asociaux et de radicaux. Ensuite, qu’on choisisse « deal » ou « djihad », la différence importe peu, les conseillers d’orientation s’en foutent. On finira sous des balles de kalach, un nettoyage par le bas, la guerre terminale des pauvres contre les pauvres, le lumpenprolétariat qui s’élimine tout seul sans qu’on ait trop à le pousser.
Cette viande à kalach servira de repoussoir à la République, de justification à la politique encore plus répressive qui s’annonce, qu’elle soit de droite ou de gauche. Cela explique la très molle volonté de la République (enfin, de ceux qui croient l’incarner) de récupérer ces « territoires perdus ». Les racailles du deal ou du djihad sont utiles, mais pas comme elles le croient. Depuis les attentats, un arsenal de lois limitant la liberté d’expression a vu le jour, qui n’empêchera pas la production humaine précitée. Au contraire ! La république sioniste de France a besoin d’ennemis bien clairs, bien caractérisés, bien « palestinisés ». Des ghettos, des Gazas à la française, et le pire, c’est que ces prisonniers inconscients jouent le jeu, un jeu pervers. Ils tombent dans le panneau publicitaire.
Mordus par l’appât du gain, excités par la pub en pays de cocagne, les gonades gonflées de sève devant ces femmes à la fois si proches et si lointaines (tiraillement violent), le visage radieux des représentants de la dominance dans tous les médias, tout cela, croisé avec une éducation bordélique, ça donne le profil espéré, une caricature d’ennemi. Beaucoup tombent dans le piège si tentant, peu s’en sortent. On pense au spécialiste du djihad à la télé, lui-même une ancienne « fiche S », une fiche S repentie, quoi. La vie facile ici (cité de France) ou là-bas (Syrie) sert in fine les intérêts du même Système.
Là-dessus – on a pas mal dégoisé sur lui, souvent à juste titre – Foucault avait raison : la société a besoin de prisons pour fabriquer du prisonnier, et tout est fait pour qu’il y retourne. La France compte désormais dans les 30 000 truands de cités en taule (des quartiers de basse sécurité aux quartiers de haute sécurité), plus quelques milliers de djihadistes. Avec une bonne moitié des 61 000 écroués (60% de peines de moins de 3 ans), ainsi que 20 000 fiches S sur le territoire (et leurs 15 niveaux de dangerosité), la machinerie anti-sociale a bien fonctionné. Aucune chance de revenir dans le Système, au milieu des gens bien.
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