Si Philippot avait voulu réveiller le monstre identitaire qui sommeille (à moitié) au FN, il ne s’y serait pas pris autrement. Le numéro 2 du parti national a commis mercredi 13 septembre 2007 un blasphème, presque un crime, un crime de lèse-nationalisme alimentaire : lui et sa bande ont mangé dans un couscous, « le meilleur de Strasbourg » peut-être, mais un couscous quand même. L’onde de choc semoulienne s’est propagée jusqu’à ce lundi 18 septembre. Car le couscous clive.
Au meilleur couscous de Strasbourg @_LesPatriotes pic.twitter.com/U3NmqM9v4d
— Kelly Betesh (@K_Betesh) 13 septembre 2017
Sans entrer dans la polémique interne opposant les cadres du FN, qui sautent sur tout et n’importe quoi pour envenimer la situation, même sur une boulette de viande, se pose la question politico-gastronomique fondamentale : manger du couscous, est-ce que ça rend arabe, ou musulman, ou encore antifrançais, voire terroriste ? Parce que là on est dans la chaîne des amalgames à la Kepel, alors autant y aller à fond les brochettes de mouton.
La question identitaire secoue le FN, comme elle a secoué l’UMP sous Sarkozy avec la question d’Éric Besson en novembre 2009 sur l’identité nationale. Le site officiel du ministre avait reçu en un mois 40 000 commentaires, dont certains « xénophobes », avaient relevé Le Monde et le ministre.
Cependant, il y a deux immigrations, et deux catégories d’immigrés : ceux qui sont là et qui sont français, et ceux qui ne sont pas français. Parmi ces derniers, des désirables et des indésirables. Parmi eux, des « politiques » et des droits communs, avec une majorité de réfugiés ou des migrants « économiques », venus tenter leur chance (au grattage) dans les pays riches, dont notre chère France.
Philippot fait le pari de considérer les Français d’origine immigrée comme des Français à part entière – ce qu’ils sont, mais encore faut-il le rappeler – et de trier les autres. Et c’est le mot trier qui hérisse la gauche médiatique, rapport aux déportations de juifs étrangers en France pendant l’occupation allemande, alors que les uns n’ont rien à voir avec les autres. Les migrants sans papiers actuels ne sont pas des juifs persécutés, et les Français ne sont pas des nazis. Qui donc veut nous faire croire ça ?
Du côté des identitaires, on ne tergiverse pas avec ces distinctions, et on refuse en bloc l’immigré : la France ne doit pas subir un grand remplacement, il y a assez d’allogènes chez nous, on arrête l’immigration de masse sinon la France va disparaître. Si le constat peut paraître lucide, comment oublier ceux qui sont à l’origine de cette invasion par ouverture des frontières et paralysie de la justice, et qui sont justement compatibles avec la tendance identitaire du FN ?
Les immigrés auront finalement servi deux fois : en tant que travailleurs dans les années où l’industrie avait besoin de bras pas trop regardants sur la feuille de paye et les conditions de travail, et comme repoussoir national en temps de chômage de masse, de crise économique et de menace terroriste permanente. Et ce sont les mêmes agitateurs qui sont à l’origine de ces deux opérations. C’est ça, le hic, et nous posons cette question aux chefs de file des identitaires au FN : eux, vous en faites quoi ?
Ali Baba et les 40 v(i)oleurs
Illustration insolite de cette invasion tous azimuts, la fac de Reims a suspendu ses cours en raison de l’intrusion de 40 migrants dans ses locaux, enfin, sur son campus. Le président de l’université Guillaume Gellé a dit :
« L’accès aux locaux de l’université situés sur le campus Croix-Rouge est interdit jusqu’à rétablissement des conditions de sécurité »
Les 8 000 étudiants (globalement de gauche) n’iront donc pas en cours aujourd’hui. Heureusement, le syndicat étudiant UNEF a pris la défense des squatteurs, car la solidarité interhumaine prime l’éducation des petits bourgeois blancs :
#CP concernant l'installation de réfugiés au sein de @universitereims #Reims #UNEF #solidarite pic.twitter.com/PDguBl7Up3
— UNEF REIMS (@ReimsUnef) 17 septembre 2017
On a relevé une phrase assez magnifique, très dans l’esprit UNEF-étudiants-genrés :
Alors que le pays des Droits de l’Homme leur semblait être une porte de sortie d’un enfer sans nom, c’est comme du bétail qu’ils/elles sont à nouveau poussé.e.s à quitter leurs abris de fortunes.
Attention, les UNEF, la solidarité c’est bien, l’orthographe aussi : normalement y a pas d’ « s » à fortunes sinon ça fait un gros contresens. Sinon le texte entier est un joli concentré de novlangue oui-ouiste, dans la droite ligne de la Fête de l’Huma qui a fait l’actu ce week-end. À part Iggy Pop, l’autre vedette méchamment rock c’était le communiste Pierre Laurent, la victime SM de Maîtresse Mélenchon qui applique le logiciel mitterrandien à la perfection.
Voici ce que lançait avec morgue le dictateur de la France insoumise le 2 juillet 2017 :
« Ne focalisons pas sur l’ambiance de décomposition de la vieille gauche ! Les spasmes d’agonie du PS, du PCF, d’EELV, leur échec électoral terrible et celui de leur complicité pour bloquer la percée de La France insoumise, leurs congrès respectifs, la réunion de Hamon : ce ne sont que des entre-soi juxtaposés. Laissons décanter. La vie est ailleurs. »
Bonjour la solidarité à gauche, dis donc ! Et à La Réunion, pendant que Laurent rafalait à La Courneuve les cadres mélenchonistes présents, Mélenchon tendait la main (un peu crochue) aux électeurs cocos. On appelle ça un braquage électoral : on tue le chef, on récupère ses possessions. Tarass Boulba ne fonctionnait pas autrement.
En meeting hier à #LaRéunion, Jean-Luc Mélenchon a salué les lecteurs de @humanite_fr et @FetedelHumanite. pic.twitter.com/8LBUuonAr6
— La France insoumise (@FranceInsoumise) 17 septembre 2017
On a vu ce que le PC était devenu en 20 ans de « rénovation » : l’agglomérat de niches contestataires minoritaires a pris le pas sur la lutte sociale anti-oligarchique, les nouveaux « pôles de radicalité » étant parfaitement sur la ligne du progressisme édictée par cette même dominance politico-culturelle. Un sacré cas de grand remplacement idéologique !
Si le PC ne présente plus de danger pour la dominance, il reste maintenant le camp national, qui a récupéré la contestation sociale, que Philippot incarne au FN. Surtout depuis que Dupont-Aignan, marié furtivement à Marine Le Pen entre les deux tours, a lancé des ponts entre les rives de la droite libérale et du FN tendance identitaire.
Oui, les masses se recomposent sous nos yeux, on vit un moment de politique très excitant, faut le dire, parce que des fois, en France, ça a tendance à ronronner, rappelez-vous sous Chirac. Là ça va à 100 à l’heure, tout se mêle, se superpose, s’enlace, les ingénieries (la terreur « islamiste »), la tectonique des partis, les fusions-acquisitions politiques (Macron en était un des spécialistes chez Rothschild), les « réformes » antisociales, les « avancées » sociétales ! Attentats, PMA, social, Neymar Qatar, libéralisme/nationalisme, le volcan France est entré en éruption !
Un militaire disait que la guerre, avec tout le bordel qu’elle charriait, permettait de faire passer pas mal de saloperies, mais aussi de conneries sous le tapis. Finalement, la guerre, en tant que phénomène d’accélération politique, peut être vue comme une source de profits divers, économiques autant que sociétaux, que le capitalisme ne néglige aucunement (regardez le forcing sur la PMA). C’est bien ça le danger !